Imaginez-vous. Vous êtes à la caisse du supermarché, votre petite tête blonde est assise sagement dans le caddie, vous venez de ranger soigneusement vos achats et vous tendez votre carte bleue à la caissière, en songeant au combien vous êtes heureux que les courses se soient passées sans encombre, même lorsque vous vous êtes retrouvé en plein milieu du rayon confiserie en essayant d'éviter le rayon des jouets! La caissière vous rend votre carte et pendant que vous la rangez à la hâte dans votre sac à main, elle complimente votre enfant. Et c'est là, sans vraiment y réfléchir, que vous avez cette phrase terrible et lourde de conséquence : « et qu'est-ce qu'on dit à la dame ? ».
Bon, vous nous direz en vrai ce n’est pas si terrible... Et pourtant…! Parce qu'à cet instant précis, votre enfant, la caissière, tous les gens qui attendent et qui commencent déjà à souffler en vous regardant, même les surgelés qui sont dans votre caddie savent que vous vous êtes mis dans un sacré pétrin et que votre tête blonde peut se transformer à tout moment en carpe ou en Vésuve.
Si on veut essayer de comprendre pourquoi les choses se passent souvent ainsi, on peut déjà se demander en quoi, la politesse des enfants et des jeunes enfants, est si importante pour nous les adultes.
Bien sûr la première idée qui vous viendra sera de dire qu'il est important de leur transmettre certaines valeurs que vos parents vous ont également transmises, et évidement c'est en partie vrai. Mais si on va plus loin, on se rend compte qu'en réalité, on attend des enfants qu'ils se comportent comme des adultes (et si vous voulez moucher tata Odette au prochain repas de famille cela s'appelle l'adultomorphisme). Nous désirons de la part de l'enfant un « merci » qui témoignerait de sa reconnaissance face à ce que nous venons de faire pour lui (et oui vous voyez très bien où nous voulons en venir, en fait c'est juste notre ego qui parle).
Bonne ou mauvaise nouvelle, les enfants de moins de 4 ans, ne peuvent pas vraiment comprendre ce qu'est la politesse et donc ils ne peuvent pas vraiment l'appliquer.
Bien évidement c'est le moment de l'article où nous venons de perdre la moitié de nos parents-lecteurs qui viennent de stopper net leur lecture, vexés par cette idée alors que leur petite tête blonde sait parfaitement dire « merci » lorsqu'on lui propose un gâteau. Sachez que la petite tête blonde est très maline et elle a compris que dire « merci » est ce qu'on attend d'elle pour avoir le dit gâteau. En réalité, vous avez construit une réponse réflexe, une sorte de conditionnement pavlovien ; votre enfant sait qu'il doit dire merci pour avoir le gâteau mais il n'a pas compris qu'il devait vous témoigner de la gratitude.
Oui mais pourquoi c'est si difficile à comprendre ?
Pour pouvoir être poli, il faut être en capacité de comprendre que l'autre est différent de soi, qu'il pense différemment, qu'il a des émotions, des ressentis et que nous devons lui témoigner de la gratitude et du respect. Vous pouvez donc constater tous les soirs, lorsque vous venez chercher la prunelle de vos yeux et qu'elle est occupée à tirer une poupée par les cheveux en criant, alors qu'un autre enfant tire la poupée par les pieds, qu'on en est encore loin. En plus de ce prérequis, il faut également que votre enfant comprenne qu'il évolue dans une société qui s'organise autour d'un certain nombre de conventions sociales totalement abstraites et arbitraires, alors que lui a besoin de choses concrètes, physiques, des choses qu'il peut toucher, manipuler pour créer ses apprentissages.
Ah donc ce n’est pas la peine qu'on lui en parle alors...
Bien-sûr que si ! Si vous disiez qu'il ne sert à rien de parler à votre enfant avant ses 18 mois, parce que de toute façon il ne vous répond pas, est-ce que vous ne trouveriez pas cela absurde ? Et bien c'est la même chose pour la politesse.
L'enfant construit ses apprentissages en partie par l'imitation et la répétition, alors soyez de bons modèles pour lui-même lorsqu'il n'a pas encore quatre ans. Soyez poli envers les autres adultes mais aussi envers lui. Appuyez-vous sur la littérature de jeunesse, les chansons et tous les jeux d'imitation (dînette, poupée) qui peuvent vous permettre de faire découvrir la politesse à l'enfant.
Bon ok... on entend tous vos arguments... « Mais malgré tout, moi, cela me pose un vrai problème que mon enfant ne soit pas poli. »
Et bien vous savez quoi ? C'est tout à fait normal. Depuis votre plus tendre enfance, on vous a martelé l'idée que la politesse est quelque chose de très très important et que les autres doivent voir à quel point vous l'êtes et donc vous ne pouvez pas déconstruire cela en quelques minutes.
Tout d'abord posez-vous cette question : est-ce que cette idée vous pose un réel problème ou est-ce que le problème c'est « qu'est-ce que le comportement de mon enfant raconte sur ma capacité à être un bon ou un mauvais parent » ? Si le problème vient du regard des autres vous pouvez très bien répondre à la place de votre enfant en utilisant un pronom inclusif ; par exemple « nous vous remercions » ou « on vous souhaite également une bonne soirée ». Cela vous permet à la fois de calmer cette petite voix qui vous donne l'impression que les autres jugent en permanence vos compétences parentales ou vos valeurs, mais cela montre également l'exemple à votre enfant en l'incluant dans la démarche.
Maintenant, si le problème vient vraiment de vous, sachez qu'un sourire, un regard en coin ou cette façon qu'ils ont tous les matins de se cacher dans le même petit coin du hall pour attirer votre attention lorsque vous les saluez est tout aussi agréable qu'un « bonjour » ou un « au revoir », et que cette façon dont ils viennent nous solliciter lorsqu'ils ont besoin d'aide ou nous demander un câlin lorsqu’ils sont tristes, valent beaucoup plus qu'un « s'il te plait » ou un «merci ».
Nous vous remercions pour votre attention !
Les kiddy Garden.
